Brutal Riddim, trentième référence du label Ouch! Records : l’occasion d’un bilan

Brutal Riddim, trentième référence du label Ouch! Records : l’occasion d’un bilan

Brutal Riddim, trentième référence du label Ouch! Records : l’occasion d’un bilan

Ce 22 novembre 2024 est sorti Brutal Riddim, création rock noise signée des anciens Bass Elevator, Tony Gremmie et KptnPlanet aka Philippe « Pipon » Garcia. Brutal Riddim est le trentième disque de Ouch ! Records, label créé en 2016 par le saxophoniste et compositeur Lionel Martin. L’occasion de faire un bilan avec son fondateur.

Lionel Martin avec Robert Combas, dont deux oeuvres sont sur les pochettes des albums Solo, et Sol Energies multipliées

Lionel Martin et Robert Combas – Rhino Jazz 2021

30 références pour un label indépendant en si peu de temps, c’est beaucoup, non ? Quelle est ta recette ?

Lionel Martin : Non ce qui est beaucoup, c’est la masse d’informations que nous subissons à chaque instant. Défilent les images, les sons. On peut tout voir, tout entendre. Tout existe, est affiché et disparait tout aussi vite. Faire, produire, éditer un album c’est travailler dans le temps, marquer les choses pour le plaisir de l’instant présent et la durée.

30 disques vinyles effectivement cela commence à faire une belle mémoire, une belle collection ! Saluons ici Monsieur J. Haynes, fan helvétique, qui nous suit depuis le début et qui possède toutes nos productions… du badge Jazz Before Jazz aux K7 en séries limitées !

Pour répondre à ta question, pas de recette, le coup de cœur toujours ou plutôt la sélection des coups de cœur… Sinon nous n’aurions pas sorti 30 disques mais 300…

Ouch, c’est aussi une équipe, de la passion et de la confiance. Nous travaillons avec Emmanuelle Blanchet qui s’empare de chaque disque pour en parler, le faire connaitre, via mon site, via le travail de relations presse. Avec Florent Decornet pour le graphisme des pochettes et avec Cédric Beron, alias Disque Noir, pour le mastering. Ajoutons le travail de distribution d’Inouie à Saint-Etienne, qui nous suit depuis le début malgré nos grands écarts de styles… Et saluons le travail de terrain des disquaires indés !!!

Sans toutes ces énergies associées, Ouch ! Records ne serait pas possible car je n’aurais pas la capacité ni le temps de tout gérer.

 

A l’origine, il y a ton envie de rééditer le premier disque de uKanDanZ, Yetchalal, qui était épuisé, et surtout de l’éditer en vinyle. Il y a eu ensuite des co-prod avec Cristal Records, l’édition en vinyle d’Ellington in the Air de Louis Sclavis, et très vite l’édition de documents rares et originaux enregistrés en Guinée Conakry, une compil-relecture de la collection Ethiopiques, etc. Comment sont nés tous ces projets de disques ? Est-ce le résultat de tes envies, de rencontres ?

L.M. : Oui, chaque disque est lié à une histoire, une découverte, une rencontre, une discussion comme celles avec des passionnés passionnants : Frederic Migeon (ex Cristal records) qui a vécu en Guinée et connait très bien les musiciens d’avant 2000 et leur histoire. Ou Gilles Fruchaux éminent spécialiste de beaucoup de musiques du monde. Tous deux me connaissaient comme musicien et m’ont encouragé et soutenu dans cette entreprise de label indépendant en me confiant des enregistrements uniques. Avec Eric Mingus nous ne nous sommes rencontrés qu’après la sortie de son premier disque produit sur notre label : The Devil’s Weight. Nous avions été mis en relation par Raphael Benoit (de Citizen Jazz).

 

Le label a été aussi le moyen de publier tes propres disques. Est-ce que le fait d’avoir ton propre label a influé d’une manière ou d’une autre sur ta manière de faire de la musique (t’es-tu senti plus libre, t’es-tu autorisé plus de projets…) ?

L.M. : Avoir son propre label, comme sa propre structure administrative permet l’autonomie, c’est un gain de temps et d’énergie car sortir un disque est une réalité possible immédiate. Je veux dire par là que quand je travaille sur un nouveau projet, ou une nouvelle idée, si la musique a du sens d’être enregistrée et transférée sur une galette, nous le ferons… Mes 3 solos sont vraiment des fruits du label, rendu possibles grâce à l’arbre et ses racines, mais aussi avec le fluide qui l’arrose… Je repense au clip d’Arma lux dans lequel je récupère la sève de l’arbre… bleu…

 

La ligne édito du label : stricte dans sa liberté, «No Borders» dans les styles musicaux, c’est affinée en passant de « exclusivement vinyle » en « du vinyle chaque fois que possible », des éditions limitées pour collectionneurs et des pochettes recherchées. Comment fais-tu pour que l’ensemble soit si cohérent avec cette variété de style ? Est-ce que tu as une stratégie bien établie ?

L.M. : Comme pour ma vision de la musique et du saxophone, il n’y a pas de barrière entre Bérurier Noir et Stravinsky… qui a décidé d’en installer ? Certainement pas le peuple. On voit aujourd’hui de grands dirigeants qui s’adressent très bien à la population en ne parlant que de frontières… Nous sommes résolument contre les frontières, No Borders comme nous l’avons annoncé dès la création de Ouch ! La cohérence artistique tient peut-être au fait qu’il n’y en a pas. Seul l’intérêt musical et humain nous captive, l’âme, le fond des choses, c’est une cohérence en soit. C’est exigeant et radicale mais tellement riche !

 

Pourquoi ne t’es-tu pas strictement tenu au format vinyle ? Quelles sont les difficultés que tu as rencontrés ?

L.M. : Le vinyle à mon sens n’est pas le meilleur support pour toutes les musiques. Certaines sont plus appropriées au CD en fonction de l’enregistrement, du spectre, de la construction de l’œuvre, de même pour les K7 ! Ces deux supports ont aussi l’avantage de permettre de petits tirages.

Nous rencontrons des difficultés à faire grandir notre « aura », nous constatons que très peu d’auditeurs glissent d’un disque à l’autre. Notre proposition est très large mais la curiosité n’est pas toujours au rendez-vous. Notre mission est d’aider à s’affranchir des cases où l’on enferme la musique, de faire entendre que la poésie, la rage, la fougue, la liberté, la puissance, l’inventivité sont des composantes essentielles de ce qui anime notre catalogue. De ce fait même si nos disques peuvent surprendre et détonner, ils ne vieilliront pas, ne se démoderons pas. Nous avons constitué une belle discothèque et si certains de nos disques sont épuisés et déjà collectors, pas de doute que les albums que nous avons plus de mal à faire connaitre prendront le même chemin.

Vous verrez par exemple que les deux chefs d’œuvres que nous a confié Eric Mingus s’arracheront… car ce sont de véritables monuments !

 

Les plus gros succès du label ?

L.M. : Le premier succès a été le disque Jazz Before Jazz (avec Mario Stantchev) qui a reçu de nombreux prix. Deuxième succès avec mon premier SoloS et la couverture signée Robert Combas. Disque qui est parti très vite avec des retours très positifs de la part d’un public venant d’horizons très différents. Et aujourd’hui, c’est le carton avec les disques de No Suicide Act… qui sont très demandés (le 45T est épuisé, et nous pensons faire un retirage de l’album Interbellum dont il nous reste que très peu d’exemplaires)

 

L’avenir : comment vois-tu la suite pour le label ? Les prochaines sorties ?

L.M. : Il y a peu j’étais prêt à jeter l’éponge trouvant la mission trop difficile et le monde du disque saturé… Mais il y a tellement de surprises dans le monde underground, ce monde que l’on entend presque pas sur les ondes (sauf sur les radios indés, merci à elles !) que produire des disques est une forme de résistance… alors si c’est dur on résiste, on se bat… et Ouch !

Prenez dans les oreilles ce coup de marteau puissant et vif asséné par Pipon et Tony avec brutal Riddim, 30ème LP à l’origine de cet interview…. Viendra pour NSA, une version CD, le repressage d’Interbellum et peut être même un nouveau 45T pour très bientôt…

Côté jazz, nous venons de sortir Letter To The World avec le batteur Sangoma Everett qui donne beaucoup d’éléments en réponse à toutes ces questions qui nous animent…

Profitez de cette discographie riche et variée, merci à tous de votre intérêt et soutien

 

 

 

 

No Suicide Act dans les Inrockuptibles

No Suicide Act dans les Inrockuptibles

No Suicide Act dans les Inrockuptibles

No Suicide Act - pochette 45t -28062024Après un premier maxi en 2023 chez Archives de la Zone Mondiale, No Suicide Act (NSA) – formé de FanXoa, ex-chanteur de Bérurier Noir et de Madsaxx (Lionel Martin), saxophoniste de Ukandanz, est de retour ce 28 juin, sur le label Ouch! Records, avec 45 tours DiY qui respire l’air du temps. Deux titres coups de poing inédits en prélude à un album pour cet automne et un premier concert à Montréal aux Foufounes Electriques le 7 septembre 2024.

Energie, urgence, « Je suis une erreur » titre aux accents pamphlétaires répond à l’injonction de la perfection et « Quel temps fait-il ? », résonne comme une ode à l’abolition du feu et des armes.

Le tranchant des mots et la voix de FanXoa disent comme personne les tragédies humaines. Avec son Baryton, utilisé comme une guitare saturée, Madsaxx souffle sa matière sonore sans retenue. Né dans le sillon du projet PIND (sur l’histoire de la scène punk en France de 1976 à nos jours), No Suicide Act est dans l’action, tout en adrénaline. Le duo est une passerelle musicale entre énergie électro-punk et free jazz..

A l’occasion de la sortie du disque FanXoa et Madsaxx ont été longuement interviewé par Jérôme Provençal, des Inrockuptibles.

 

L’article – No Suicide Act : quand un ex-Bérurier Noir rencontre un jazzman – est sorti le 19 juin 2024

 

Article des Inrockuptibles No Suicide Act : quand un ex-Bérurier Noir rencontre un jazzman - 190624

 

« Je suis une erreur » et « Quel temps fait-il ? » : premier tirage limité « fait maison » à 300 exemplaires numérotés (deux visuels). A acheter ici : Bandcamp Ouch!Records

Letter To The World, nouvel album de Lionel Martin & Sangoma Everett

Letter To The World, nouvel album de Lionel Martin & Sangoma Everett

Letter To The World, nouvel album de Lionel Martin & Sangoma Everett

Cinq ans après Revisiting Afrique, le duo Sangoma Everett & Lionel Martin est de retour avec un nouvel album, Letter To The World. Composé de huit compositions originales, plus deux reprises, cet opus est une suite personnelle et singulière, sous l’emprise du blues et rock. Trois des titres permettent de découvrir la voix de Sangoma Everett, qui asssure simultanément la batterie. Lionel Martin transcende son rôle traditionnel de saxophoniste, se muant tour à tour en bassiste et en guitariste, sans jamais perdre de vue sa vocation lyrique et spirituelle. Entretien avec Lionel Martin.

 

Letter To The World, par Lionel Martin et Sangoma Everett pochette rectoPourquoi avoir attendu cinq ans avant d’enregistrer un nouveau disque ensemble et quel a été le déclic pour la création de celui-ci ?

L.M. : Nous étions dans l’envie tous les deux, mais enregistrer un nouveau disque c’est trouver une nouvelle histoire à raconter, un sujet, une urgence… Pour le premier disque il y avait 15 ans que j’attendais d’enregistrer avec Sangoma. Alors 5 pour le deuxième c’est presque rien !

 

Comment avez-vous choisi les deux reprises ?

L.M. : Depuis longtemps, depuis la première fois que j’ai entendu Sangoma chanter (en répétition ou lors des balances son avant les concerts) j’ai eu envie que tout le monde puisse avoir cette chance de l’écouter aussi. Quand il m’a appelé et dis qu’il voulait chanter Afro Blue de Mongo Santamaria et Who Knows de Jimmy Hendrix, j’ai su que l’album était prêt.

 

Comment c’est passé le processus de création et d’enregistrement de cet album ?

L.M. : Nous avons calé des jours de répétition en septembre puis une séance de studio en novembre. La nuit, veille de la première répétition, j’ai pensé et noté sur mon petit carnet quelques idées qui sont devenues : Ni dieu Ni maitre, A la recherche du temps futur et No Guns. Les titres sont venus après !

De son côté Sangoma a fait la même chose et m’a proposé Letter To The World, Fane & Chazelles qui au début n’étaient qu’un titre. Il m’a également présenté un texte écrit pour son voisin décédé. Il me l’a lu, je lui ai proposé un accompagnement…

Pour Irarrazabal c’est un peu plus tard qu’il a eu l’idée de reprendre ce thème d’un musicien suisse qu’il venait de rencontrer pour un concert « hommage » et de soutien à la famille d’un jeune musicien trop vite envolé.

Letter To The World est un titre de Sangoma, pour ma part j’ai eu l’idée d’Emily Dickinson pour mon attachement à la poésie, et le lien d’âme pour ce disque. Ce rapport intense à l’écriture qui semblait essentiel pour un album « lettre ». 

Nous faisons confiance à l’instant présent, l’immédiateté de nos décisions. Le premier titre que nous avons travaillé était The Bottle de Gil Scott Heron, il a été décisif et générateur d’intentions mais au final nous ne l’avons pas gardé. Une idée vient, elle en donne d’autres et alors nous explorons, puis synthétisons…

 

Comment faites-vous pour obtenir cette cohérence entre les morceaux originaux et les reprises, et surtout entre vos styles si identifiables ? 

L.M : La cohérence vient peut-être du fait de l’intention. Depuis longtemps nous parlons de faire un album de Blues. Blues dans son sens profond comme quand on parle du punk par exemple, ne pas faire référence à un style, mais à un état d’âme, une manière de ressentir, d’être et de jouer. Sangoma a joué avec les plus grandes et grands joueurs de blues de Memphis Slim bien sûr à Myriam Makeba, mais la liste est si longue…

Il aime ma façon d’être libre et mon cri. C’est un vrai soutien qu’il me donne à chaque fois dans l’encouragement d’aller plus loin tout en étant ancré dans une référence à une histoire, une tradition de jeu qui à chaque fois dépasse par sa singularité, le cadre.

 

Quelle est l’émotion principale (il y en de très fortes dans ce disque) que vous souhaitez transmettre à travers votre musique ?

LM : Une émotion qui traduit la beauté du monde, une forme de tristesse bien sûr mais beaucoup de cris d’espoir. C’est une lettre qui dit oui, qui veut laisser ouvertes les portes du futur

Habiter en mouvement : performance artistique de Samira Negrouche et Lionel Martin

Habiter en mouvement : performance artistique de Samira Negrouche et Lionel Martin

Habiter en mouvement : performance artistique de Samira Negrouche et Lionel Martin

Madani Benamar – Tisserand à Tlemcen

En décembre dernier, Lionel Martin était en compagnie de la poétesse Samira Negrouche pour une tournée exceptionnelle en Algérie. Le spectacle, voyage à travers les mots, à travers les langues, à travers les frontières, est inspiré de l’anthologie parue aux éditions Barzakh au printemps 2023.

 

–      Comment est né le projet ? Comment a-t-il évolué ?

Habiter en mouvement titre du dernier recueil de Samira est pour nous la suite de nombreuses années de collaborations et performances artistiques. Dès la première fois nous avons trouvé une écoute mutuelle, une cohérence de l’intention qui nous a mis en extrême confiance l’une vis-à-vis de l’autre ou vice versa. L’évolution, c’est le travail du temps. Le point qui devait nous mener à une forme nouvelle de spectacle était la présence de la danseuse Fatou Cissé qui n’a pu nous rejoindre à la suite d’une censure de son visa.

–      Avez-vous pu le travailler en amont ?

C’est un travail de presque 15 années…

–      Quelle est la part d’improvisation dans un tel spectacle ?

Le texte, son organisation, son montage est très organisé et construit. Je m’en suis imprégné et au moment de jouer je ne fais confiance qu’à mon écoute. Pas de notes, pas de consignes… Ecoute pour être au plus proche de la perception et de la transcription en musique de mes sensations face au mot, au verbe. Au fil des performances j’ai gardé quelques points d’improvisation qui se sont transformés en écriture, car je trouvais les thématiques assez fortes et valables pour les garder.

–      Vous avez joué dans des lieux assez différents. Le lieu influence-t-il votre manière de jouer ?

Tout à fait, puisque tous les jours j’allais avec mon enregistreur capter des sons de personnes, de villes, d’ambiances que je redonnais chaque soir au fil de la performance, au moment opportun des textes de Samira.

 

Trouver un lieu de résidence et création pour construire la suite avec Samira Negrouche

 

–      Comment le spectacle a-t-il été reçu par le public ? Est-ce que cela a été identique dans toutes les villes ?

Cela a été très fort et intense. Avec des publics très variés, femmes, hommes, étudiantes, étudiants, même des skateurs à Tlemcen !  Chaque fois a été très différente du fait des publics divers et de lieux très très différents, de Notre Dame d’Afrique au centre culturel avec sa salle de concert, l’écart était très important, mais l’écoute toujours très forte et soutenue.

–      Quel est le souvenir le plus fort qu’il te reste de la tournée

Une rencontre avec un « vieux » tisserand à Tlemcen dans son atelier. Son lien passionné avec son instrument de travail si sonore … (souvenir de mon solo et des enregistrements des métiers croix-roussien), je l’ai donc enregistré aussi… et quelle surprise de le voir à notre spectacle, tout devant… et l’émotion quand Samira évoquait les villes dans son texte et que j’ai lancé le son de son propre métier à tisser comme base de rythmique à notre suite musicale…

Maintenant nous attendons impatiemment la suite, c’est-à-dire de pouvoir enfin réunir ces trois arts que sont Danse Poésie et Musique. Quelque part cette tournée et le manque de la danseuse Fatou Cissé, nous a permis de nous préparer encore plus à imaginer ce tableau futur.

La suite c’est donc trouver un lieu de résidence et création pour aboutir pleinement ce spectacle. Nous travaillerons avec le metteur en scène Laurent Frechuret, Samira étant pour moi une sorte de Rimbaud en chair et en os, avec sa lucidité, sa capacité à analyser et ressentir, et son écriture qui s’envole…

Après le travail réalisé autour de Rimbaud avec Laurent Frechuret, avec qui nous avons vécu une très interactive connexion, une sorte de boucle se dessine encore… Fatou Cissé et Samira Negrouche, ont également un lien très fort et une habitude de travail en commun.

Habiter en mouvement est la réunion de parcours singuliers et de routes qui se croisent, s’écartent et se rejoignent…