Habiter en mouvement : performance artistique de Samira Negrouche et Lionel Martin

Madani Benamar – Tisserand à Tlemcen

En décembre dernier, Lionel Martin était en compagnie de la poétesse Samira Negrouche pour une tournée exceptionnelle en Algérie. Le spectacle, voyage à travers les mots, à travers les langues, à travers les frontières, est inspiré de l’anthologie parue aux éditions Barzakh au printemps 2023.

 

–      Comment est né le projet ? Comment a-t-il évolué ?

Habiter en mouvement titre du dernier recueil de Samira est pour nous la suite de nombreuses années de collaborations et performances artistiques. Dès la première fois nous avons trouvé une écoute mutuelle, une cohérence de l’intention qui nous a mis en extrême confiance l’une vis-à-vis de l’autre ou vice versa. L’évolution, c’est le travail du temps. Le point qui devait nous mener à une forme nouvelle de spectacle était la présence de la danseuse Fatou Cissé qui n’a pu nous rejoindre à la suite d’une censure de son visa.

–      Avez-vous pu le travailler en amont ?

C’est un travail de presque 15 années…

–      Quelle est la part d’improvisation dans un tel spectacle ?

Le texte, son organisation, son montage est très organisé et construit. Je m’en suis imprégné et au moment de jouer je ne fais confiance qu’à mon écoute. Pas de notes, pas de consignes… Ecoute pour être au plus proche de la perception et de la transcription en musique de mes sensations face au mot, au verbe. Au fil des performances j’ai gardé quelques points d’improvisation qui se sont transformés en écriture, car je trouvais les thématiques assez fortes et valables pour les garder.

–      Vous avez joué dans des lieux assez différents. Le lieu influence-t-il votre manière de jouer ?

Tout à fait, puisque tous les jours j’allais avec mon enregistreur capter des sons de personnes, de villes, d’ambiances que je redonnais chaque soir au fil de la performance, au moment opportun des textes de Samira.

 

Trouver un lieu de résidence et création pour construire la suite avec Samira Negrouche

 

–      Comment le spectacle a-t-il été reçu par le public ? Est-ce que cela a été identique dans toutes les villes ?

Cela a été très fort et intense. Avec des publics très variés, femmes, hommes, étudiantes, étudiants, même des skateurs à Tlemcen !  Chaque fois a été très différente du fait des publics divers et de lieux très très différents, de Notre Dame d’Afrique au centre culturel avec sa salle de concert, l’écart était très important, mais l’écoute toujours très forte et soutenue.

–      Quel est le souvenir le plus fort qu’il te reste de la tournée

Une rencontre avec un « vieux » tisserand à Tlemcen dans son atelier. Son lien passionné avec son instrument de travail si sonore … (souvenir de mon solo et des enregistrements des métiers croix-roussien), je l’ai donc enregistré aussi… et quelle surprise de le voir à notre spectacle, tout devant… et l’émotion quand Samira évoquait les villes dans son texte et que j’ai lancé le son de son propre métier à tisser comme base de rythmique à notre suite musicale…

Maintenant nous attendons impatiemment la suite, c’est-à-dire de pouvoir enfin réunir ces trois arts que sont Danse Poésie et Musique. Quelque part cette tournée et le manque de la danseuse Fatou Cissé, nous a permis de nous préparer encore plus à imaginer ce tableau futur.

La suite c’est donc trouver un lieu de résidence et création pour aboutir pleinement ce spectacle. Nous travaillerons avec le metteur en scène Laurent Frechuret, Samira étant pour moi une sorte de Rimbaud en chair et en os, avec sa lucidité, sa capacité à analyser et ressentir, et son écriture qui s’envole…

Après le travail réalisé autour de Rimbaud avec Laurent Frechuret, avec qui nous avons vécu une très interactive connexion, une sorte de boucle se dessine encore… Fatou Cissé et Samira Negrouche, ont également un lien très fort et une habitude de travail en commun.

Habiter en mouvement est la réunion de parcours singuliers et de routes qui se croisent, s’écartent et se rejoignent…